Dans un jardin je suis entré

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Un film en Live, tourné en 2011.
Il insiste beaucoup sur le statut de documentaire.
Pour cause peut-être ? Pas de fiction, pas de mise en scène ?
Et puis cette scène qui tombe comme un cheveu sur la soupe.
Face à la mer, Avi Mograbi parle à son ami de sa nouvelle amoureuse.
Amour réciproque, fort, mais « impossible » ou « interdit », dit-il, je n’ai pas « retenu ».
Empêché par les frontières ethniques et religieuses.
Il « joue » mal.
Ou alors au contraire, il ne « joue » plus, il est tout simplement ému.
On ne la verra pas, ni n’en entendrons plus parler, elle et ses 42 ans (« elle n’est pas très âgée » lui dit délicatement son ami).
Et là, je me suis dit qu’en fait tout est « joué », mis en scène, sauf à cet endroit justement.
Je repense à la leçon de Close up de Abbas Kiarostami.
Mais cela n’a aucune importance.
Peu importe au fond.
Jamais je ne me sens manipulée.
Juste pour ces cinéastes, chercher, inventer les formes, les meilleures conditions pour que son spectateur soit au plus près, auprès, de ce qu’ils ont à nous raconter, faire ressentir.
Et ça « marche » bien.
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Yasmine « joue » tout le temps bien.

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Love in the afternoon

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The End

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Pourquoi sur internet les stills sont en couleur ?

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Hors-champ
Juste avant ou juste après la rivière ?
Il devait faire chaud, plus de veste ni de pull.

Billy Wilder, Audrey Hepburn, Gary Cooper, Alexandre Trauner, Paris, Le Ritz, Champagne, tzigane, valse, Fascination, 1957
Wilder n’est pourtant pas très conte de fées, mais on ne peut qu’avoir envie d’y croire.

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Vie flottante / vie ancrée

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V – Vie flottante / vie ancrée

Rencontrer l’ « autre », l’autre en tant qu’autre et que singulier : l’Autre qui, parce qu’il est d’abord perçu comme absolument extérieur, peut du même coup, par son intrusion dans notre espace intérieur, y faire surgir un plus dedans de soi ; et servir dès lors d’assise, seule fiable, à ce « soi ». Ne s’est pas réalisé, en d’autres termes, par la médiation d’un Autre se levant soudain du fond du monde et s’en détachant, d’un « autre » qui n’est plus autrui, la révélation d’un infini possible au plus intérieur de soi, d’un soi qui n’est plus limité à « soi », c’est-à-dire faisant surgir une ressource infinie dans ce nous partagé. p.80

L’humanité de l’Autre (mais celui-ci s’est-il constitué vraiment en « autre »?) se détache-t-elle si radicalement, est-elle complètement à part, au sein de cette rhapsodie continue des sensations-émotions ? Autant dire que, pour que l’intime dépasse le stade du sentiment et se promeuve en expérience faisant muter l’existence, il faudrait que s’y découvre un support, ou « sous-jacement », qui fonde la condition de possibilité du sub-jectif et de son épanchement. p.82

… dans les Six récits de la vie flottante de Shen Fu
Voici un texte qui date de la fin du XVIIIe siècle, du dernier moment par conséquent où la culture chinoise n’a pas encore subi l’influence des conceptions occidentales, et qui est composé, plus que de récit à proprement parler, de souvenirs et de notes prises « au fil des jours », s’ajoutant et s’égrenant à la suite, sans ordre strict et globalement classés par thèmes : la trame en demeure donc plus disponible, elle peut capter l’incident et l’aparté. p.75

Vie « flottante », instable, évanescente, où tout ne cesse de passer et d’être emporté. Or, l’intime n’est-il pas ce qui seul peut modestement (minimalement) se retenir de tout ce glissement ? p.77

De la vie « flottante » (fu sheng 盛福), dt Shen Fu, ne gardons que ce qu’on jugerait d’abord inessentiel , puisque c’est seulement dans ces alvéoles creusées par le quotidien, au creux de ces petits faits, que se retient du vécu : cet émotionnel si furtif, si fugitif, à tout le moins, n’est pas factice. p.78

François Jullien
De l’intime, loin du bruyant Amour
Grasset an 2013

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Dance


Par Raphaël pour la Master classe Danse.

Après, avec Matthieu, Thibaud, Chloé, et Hélène et Jeanne on a fini au Caveau pour Dancer.

Pour parler avec nos corps, pas besoin de mots,
Histoire d’être ensemble
Histoire de se dire « au revoir »
C’était bien.

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Geste inouï commis à deux

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Car un geste intime ne peut se faire seul : il implique en effet un « Autre », exige qu’on soit deux. Pas plus qu’on ne peut être intime avec soi-même, on ne peut faire un geste intime sur soi (on peut toucher ses « parties intimes », mais le geste pour autant n’est pas intime) ; et, même si c’est moi seul qui prends sa main, ce geste, quand il est intime (c’est même à quoi on voit qu’il est intime), est commis à deux.
Aussi, même s’il paraît habituel, banal, voire est de tous les instants, un geste intime est « inouï ». Même si l’on ne s’en rend pas compte ou qu’on n’y prête pas attention, il constitue toujours, en tant que tel, un événement : un geste intime est toujours neuf, ne s’use pas, ou alors il n’est plus intime, n’étant plus efficace. Il est même l’anticipateur de la liaison : avant que l’intimité ne soit déclarée, il sert de prodrome et de déclencheur ; tant que la situation (la relation) n’est pas tirée au clair, il est même stratégiquement conatif. Souvent l’intimité du geste a précédé la parole. Phrase de roman : « alors il lui prit la main, puis il lui dit… ». Non seulement il anticipe, mais de plus précipite : c’est lui qui tranche d’un coup les possibles, met fin à l’incertain, sort de l’atermoiement et fait basculer soudain dans ce dedans partagé. Geste décisif s’il en est : cet événement qu’il crée, plus rien ne le referme et ne l’effacera, plus rien ne pourra faire qu’il n’ait pas objectivement été, même s’il est renié – il emporte avec lui la vie entière. p.47-48

François Jullien
De l’intime, loin du bruyant Amour
Grasset an 2013

2013-09-12 14.45.10

 

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Au pied qui court

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Revoir.
Déjà vu.
Il n’y a pas longtemps.
Un samedi 23 mars à Grande Plage.

Je me souvenais bien de ce léger ralenti, des jeunes filles marchant, flottant sur des rochers.
Du bleu du ciel.
Du rouge des robes.
Des pieds qui marchent, qui dansent.
Je me souviens bien.

« Tutuguri – Tarahumaras a été tourné l’été 1979. Il répète le rite du Tutuguri que Tranquilino, le saweame a chanté et dansé six fois, dans un temps bref, rigoureusement précis (1 minute 45 secondes). »

« Paroles secrètes dont seules émergent les voyelles, la danse construit un espace sacré entre les quatre points cardinaux d’une croix, signe noir et païen. Rite solaire et natif, antérieur à la conquête espagnole.
Le montage, ici, construit d’un seul plan les deux pôles du temps réel et d’un espace-temps dilaté, à partir d’un double matériau : Tutuguri et Carreras (courses d’hommes, dites «de bola», et de femmes, dites «de aro» spécifiques au peuple Tarahumara, que l’étymologie déclare « au pied qui court ». »

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(Re)prise 2

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Cette silhouette, disait, sans plus d’à-propos, Eulalie Cyméa, qui n’est ni l’auteur ni l’oeuvre, qui est entre l’auteur et l’oeuvre… p.184

Ah : et c’est un monde.
(Ah ! Ah !)
C’est la capacité du roman à faire un monde.
Un monde-Stendhal, un monde-Flaubert, un monde-Dostoïevski, un monde-James, un monde-Proust, un monde-Joyce, un monde-Faulkner. p.186

C’est comme qui se propose de prendre un bain dans un lac de montagne : celui-là souhaite prendre ce bain – ou, plus précisément, s’il ressemble à notre auteur, si bien que la relation avec le temps n’est pas la même : le meilleur moment, selon notre auteur, dans le cas du bain dans un lac de montagne, c’est lorsque le corps se réchauffe, que la circulation revient, il y a une sorte d’exaltation physique ; s’agissant du texte, il n’y a pas d’après -, il souhaite l’avoir pris ; un autre, pourtant, et meilleur terme pour la comparaison, tel qu’il trouve, dans l’eau même, plus de plaisir que de souffrance (ou qui, à la souffrance, trouve plus de plaisir), peut, l’instant d’avant, encore sur la berge, n’en pas moins redouter le froid, qui va se refermer sur lui.

– Un lac de montagne, a dit Ibrahim, a dit Archambaud Blot, ou ne serait-ce que la rivière en septembre.
– En octobre, Ibrahim, ai-je dit, a dit Isham. p.190

Danielle Mémoire
Prunus spinosa
P.O.L an 2006

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(Re)prise

Passé – Présent – Futur

Un an, jour pour jour, d’arrêt du Live.

Mais je me mets à jour.

Aussi, tout ce qui sera AVANT ce billet ne sera que de l’archivage à rebours.

S’écrire au présent mais à partir des souvenirs… et forcément depuis
l’après-coup, change la donne.

L’archivage sera chronologique, mais pas l’écriture.

Il va falloir fouiller dans l’agenda, les carnets, les souvenirs.

Prendre le temps. Il y a du travail.

Dans cet espace temps je m’autorise à y revenir, rectifier, rajouter, préciser.

Ce que je m’interdisais avant.

Le sentiment malgré tout que, la fulgurance des liens, leur évidence souvent, ne peut se fait que au jour le jour. Prendre soin de ce qui (nous) arrive, les détails, les hasards, les synchronicités, pour scruter le réel pour de la fiction, ne pourrait se faire qu’en temps direct.

« Si j’étais écrivain et mort, comme j’aimerais que ma vie se réduisît, par les soins d’un biographe amical et désinvolte, à quelques détails, à quelques goûts, à quelques inflexions, disons des « biographèmes » dont la distinction et la mobilité pourraient voyager hors de tout destin et venir toucher, à la manière des atomes épicuriens, quelque corps futur, promis à la même dispersion ; une vie « trouée »… » Roland Barthes – Le biographique sans la biographie

« Préférer la puissance évocatrice des détails et les affinités électives des rapprochements à la complétude narrative et à la vérité historique. »

Nos « biographèmes » tiennent-ils après-coup ? à suivre donc…

« Comment ne pas raconter après coup ? Ainsi il faudrait penser que rien ne sera jamais exprimé pour de bon, restitué dans son devenir anonyme, que personne ne pourra jamais rendre le bredouillement de l’instant qui naît ; on se demande pourquoi, sortis du chaos, nous ne pourrons jamais être en contact avec lui : à peine avons-nous regardé que l’ordre naît sous son regard… et la forme. » p.33 – Cosmos – Witold Gombrowicz – Editions Denoël an 1966

Je reprends ce jour mon live.

 

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Échappée Belle

2013-09-03 14.58.51

Champ

2013-09-03 14.58.15

Contre-champ

2013-09-03 14.50.32

Aujourd’hui avec Zelda on s’est fait une échappée belle, juste avant sa troisième.

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Adolescence

2013-07-19 18.29.53

Avec Zelda, départ pour la vie belle. Sur le chemin, une amie à elle nous a vu passer depuis son arrêt de bus.

Texto en suivant : « Trop énorme ta voiture »

On a beaucoup rit. 

Puis elle m’a raconté une blague, les perles du bac : L’adolescence est l’état qui sépare la puberté de l’adultère.

 

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Moineau

2013-09-02 15.26.51

Aujourd’hui, j’ai dû, j’ai pu enterrer un moineau.

J’éprouvai même un choc, car en définitive ce bout de bois qui se référait au moineau dans les buissons était le premier signe (oh, faible, vague) qui, dans le monde objectif, confirmait en quelque sorte mes rêveries sur la bouche de Léna « se référant » à celle de Catherette : analogie mince, fantasque, mais il s’agissait en fait « d’un rapport » en lui-même, base d’un certain ordre. p.42

Dans le calme des ténèbres, la grenouilles, qui était avec nous se manifesta. Non qu’elle eût coassé, mais son existence, réveillé par celle du moineau, ne pouvait plus passer inaperçue. Nous étions avec la grenouille… elle était ici, avec nous, en face du moineau, cousinant avec lui dans le règne des batracho-moineaux, et cela m’évoquait ce glissement, cette déviation labiale… : le brelan moineau-grenouille-Catherette me poussait vers cet orifice buccal et transformait l’obscure cavité des buissons en bouche, agrémentée de cette coquetterie à la lèvre… de travers. p.66

Dans les buissons au bord de la route, lui, le moineau, pend, et le bout de bois pend aussi, dans la cavité du mur, ils pendent, mais l’immobile de cette immobilité dépasse toutes les limites de l’immobilité, une limite, une deuxième limité, une troisième limité, il dépasse la quatrième, la cinquième, la sixième, la septième pierre, l’herbe… il fait plus frais… p.128

Je dus même en rire. J’allai à leur rencontre à travers champs. Le moineau pend et moi j’avance. Le bout de bois pend et moi j’avance. Le chat, je l’ai pendu et j’avance. Lucien pend et j’avance. p.180

Cosmos – Witold Gombrowicz – Editions Denoël 1966

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Mon éducation est esthétique

… je suis déjà dans la lune et, par cette élection qui protège une première fois ma vie, me suspend au-dessus de la terre au milieu des dangers, je ne quitterai plus jamais cet astre qui me sauve de la détresse, du danger et de l’ennui… p.12

Je suis élu moi aussi et protégé je ne sais comment ; à cause d’une sensibilité qui résulte d’une blessure qui devait être éternelle (la mort de mon père), mon éducation est esthétique. p.13

seule l’idée plus que le souvenir… p.22

Un dimanche du mois de juillet 1948 (ou 1947, est-ce possible?), un train démarre pourtant et m’emporte dans un premier voyage dont le terme m’est inconnu, qui va certainement changer l’aspect du monde, y ajouter des images étrangères et probablement, avec la première soudaineté d’un coup de foudre, me donner un cœur. p.25

Je n’ai fait toute ma vie que chercher une seule image et recopier mille tableaux qui m’ont appris la patience, une délicatesse de touche, le soin des détails, à recopier des scènes ou des paysages dont le silence, enfin, était toujours moins l’attente d’une action imaginaire que celle d’une musique jusque-là jamais entendue. p.34

Pourquoi ce paysage, son détail demeuré vif, sinon parce qu’il est un cadre, un fond de tableau attendant ses personnages… p.57

… avancer dans un marécage, au milieu de roseaux frémissants, ouvrant enfin sur l’escalier d’une maison de pierre où j’arrive maintenant parce que ton visage ruisselant de pluie mon cœur inexpérimenté sait que tu m’appelles et que, comme si j’arpentais en réalité un monde où chaque mesure faite de courses, de vues brèves, de chuchotements, établissait une variation infinie des espèces d’images à la succession desquelles mon corps multiforme résiste, au caprice desquelles mon espoir d’atteindre un objet solide, de m’en emparer et de m’y établir résiste lui aussi, je sais à peu près que je vis d’une espèce de nourritures d’images et que la fréquentation secrète de ce héros barbouillé commente grotesquement pour moi tout ce que peut me dire un livre. p.75

L’image de mon amie s’est installée en moi et m’apprend une espèce d’intermittence du cœur ; à vrai dire cette image est autant sa voix, son regard, sa façon de se pencher et de m’écouter, la familiarité qu’elle entretient avec la musique, chantant les notes des mélodies que nous écoutons, la brusquerie, parfois, de son affection : je devine dans ce que nous avons regardé et entendu un fond caché qui doit être son véritable portrait et ce fond musical, la poésie cachée des tableaux vont devenir ma nourriture et le devoir, comme si elle en était la destinatrice, que je me fais d’en restituer le mystère intact, d’y ajouter mon commentaire parce qu’elle pourrait l’entendre et le lire sans deviner jamais que c’est d’elle que je fais l’image afin de lui donner quelque chose de la grâce qu’elle m’a fait partager. p.84

C’est pourtant une scène, un visage, un récit qui peuvent l’explorer. Il faut donc l’image de cette vie, l’image imparfaite des actions de personnages, la réalité peu à peu accréditée de pensées dont je ne suis pas le maître pour que cela même que nous pensions faire tout l’objet d’une philosophie de la vie, prenne figure, forme, sens. p.94

La fiction au moyen de laquelle on espère voir de nouveau une chose ancienne, en animer encore une fois des figures longtemps oubliées ou les paysage éteints par une très longue nuit, ces quelques arrangements de personnages à travers lesquels la chose la plus inconnue de notre vie parlerait enfin et pourrait en effet parler parce que notre mémoire aujourd’hui nous mélange aux choses d’autrefois, à un monde disparu dont il ne reste plus que la matière la plus volatile dont nous sommes faits, qu’une image de temps en temps éveille de nouveau parce que nous avions été une partie de cette image, pouvons repasser dans son corps et la doter d’une durée presque infinie ; cette fiction ressemble à une peinture de paysage, à un dispositif de nature morte l’un et l’autre aménagés pour la description dans laquelle, cherchant l’origine de la chose inconnue qui demeure en nous comme la cause d’un besoin jamais apaisé de faire cesser le défilement du temps, nous ne faisons que promener une tache aveugle qui doit bien représenter, plus que notre corps ou notre esprit d’autrefois, l’instant même que nous étions et dont il ne reste, au milieu du tableau que nous essayons de peindre, qu’une coque vide – tant ce que nous étions a été absorbé par les différentes apparences de ce que nous avons aimé -, nous devons savoir que cette mémoire dans laquelle c’est le temps même qui s’abolit n’est capable d’aucune espèce de résurrection d’un passé que nous croyons nôtre, mais que c’est encore nous-mêmes qui revenons sous ces formes de coquillages, de vent passant, de nuages et d’horizons, de machines et d’insecte, parce que ce bric-à-brac qui semble jeté hâtivement sur le papier est comme la catalogue des métempsycoses où un animal inconnu attend, espère toujours, s’effraie, s’éveille et tremble au plus léger bruit parce que, depuis si longtemps, il se serait habitué au silence. p.115

Une chose lointaine, un état du monde qui n’a certainement pu s’abolir et doit vivre quelque part, que je ne parviens pas à localiser ; qui doit aussi certainement que je suis là à la fin de la nuit, empli de printemps et le cœur battant et d’une conviction inébranlable, car sinon d’où viendrait cette voix, die ruft in mir : Wache auf, debout, éveille-toi ! Certainement pas de ma mémoire que j’ai faible mais d’un principe de vie qui continue, par-delà la disparition, l’effacement et l’écart, la mise au noir et peut-être tunnel provisoire dans lequel, la première, F. est partie, emportant avec elle l’enfant de onze ans, amoureux, au cœur certainement aussi mou qu’une éponge, malléable comme un bâton de pâte à modeler et qui doit à quelque endroit de ce tunnel qui aura pris la forme d’une petite gare, d’une pelouse hollandaise, d’une église où l’orge joue, sangloter tout le chagrin de sa vie parce que tu t’en vas, parce qu’il te voit et ne sait pas que tu quittes sa vie, que tu le conduis, l’égare aux enfers, que tu remontes seule à la lumière ; que, par exemple, il ne te trouve plus sur l’allée de graviers d’un château du Loir : il est seul devant la grille, il est seul derrière, à tenir les barreaux, comme au zoo, comme s’il faisait partie de la compagnie des singes. Ou qu’il passe devant la crêperie de la rue Monsieur-le-Prince ; pourtant notre rendez-vous secret, notre seul ou – peut-être bien – mon seul rendez-vous d’amoureux avec toi après lequel tu disparaissais pour des années. p.178

C’est pour l’instant d’une espèce de nuit que me revient ce savoir. Tu es là comme attendant d’en être délivrée et moi de nouveau parce que je ne parviens qu’à redire ces liens enchantés qui me retiennent là-bas. Quoi que je fasse je ne parviens à les défaire puisque les défaire serait me délier de cette forme née un jour et dans laquelle, je le sais, ma vie a pris son cours déviant, droit, montant et déclinant, mêlant à toute la réalité des chimères et surtout, si souvent, des images de peinture à travers lesquelles, cette fois encore, aujourd’hui, au milieu des tours de New York, dans cette extraordinaire salle hypostyle d’un temple géant inachevé, j’essaie, comme si je grattais un tas de charbon, de reconnaître un trait de ton visage, d’isoler une couleur qui serait, comme une heure du jour, passée sur toi. p.181

Jean Louis Schefer – La cause des portraits – P.O.L an 2009

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L’autre Alice

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Chute

 

« Aussi bien le paradoxe est-il le renversement simultané du bon sens et du sens commun : il apparaît d’une part comme les deux sens à la fois du devenir-fou, imprévisible ; d’autre part comme le non-sens de l’identité perdue, irrécogniscible. Alice est celle qui va toujours dans les deux sens à la fois : le pays des merveilles est à double direction toujours subdivisée. » p.96

« Sur le paradoxe » – Logique du sens – Gilles Deleuze

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Toujours là

2013-08-21 15.14.58
Les même.
Ils m’attendent, toujours côte à côte.
Je les aime.

ARCHIVE « absente » du 26/10/2008

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