Accumulation lumineuse pour de l’aléatoire

 2013-11-20 08.27.27
Je ne sais si c’est parce que je suis chez I. mais, dès le réveil, même à l’envers, dans cette lumière du jour, une forte impression, sensation de grains visibles qui grouillent, m’envahit.

Une expérience cinéma.

« Lisse et sans matière, ça dit bien vers où va l’image aujourd’hui. On s’éloigne du grain et, forcément, on perd quelque chose, pas seulement physiquement, quelque chose d’une culture ancestrale de l’image. Qu’est-ce qu’on perd, en perdant le grain de l’image ? On perd l’aléatoire. Le grain, c’est de l’aléatoire. L’œil et le cerveau ont besoin de stochastique, de la non-permanence de l’image, de son mouvement. L’image fixe, c’est la mort… C’est l’aléatoire du grain qui crée la profondeur. » Caroline Champetier

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« Benjamin précise qu’en raison de leur imperfection technique, les premières photos conservaient l’aura des choses et des personnes. Le paragraphe mérite d’être cité. Il fait suite à la description d’une photo de Kafka enfant, en laquelle le philosophe voit une allégorie de la destruction de l’aura.
« Dans son insondable tristesse, cette image fait penser aux premières photographies, où les gens ne jetaient pas encore sur le monde, comme ici le jeune Kafka, un regard perdu et délaissé. Il y avait alors autour d’eux une aura, un médium qui, traversé par leur regard, lui donnait plénitude et assurance. Là, encore, l’équivalent technique de ce phénomène est évident : c’est le continuum absolu de la lumière la plus claire à l’ombre la plus obscure. »
La trame, le tissu, c’est une modulation continue de la lumière dans l’image, qui fait exister l’air dans lequel baignent les choses, donne consistance et unité à l’espace et au temps. Dans une image sans aura, êtres et choses apparaissent à la fois proches et seuls, isolés les uns des autres, privés de la trame continue de la lumière qui instituait leur « manière légère d’être ensemble« . La destruction de l’aura condamne êtres et choses à l’aliénation…
Dans le plus désenchanté des films en 35mm, il restera toujours un peu d’aura autour des choses, le sentiment d’un monde commun. » Cyril Neyrat

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