Allez, arrête, ne touche pas à Racine


oooOu bien, elle pose des pièges. Peut-être vivrais-je si longtemps que je finirai par l’oublier. On lui demande où se trouve ce vers, on remarque que ce n’est pas un alexandrin, elle compte sur ses doigts, dit qu’elle cite mal, qu’elle a dû en oublier un morceau mais que si, bien sûr, c’en est un. En fait c’est une citation d’Orson Welles à propos de Rita Hayworth qu’elle agglomère à son nouveau corpus. Au fil des jours, elle rassemble les bribes de la langue dans laquelle elle veut parler son chagrin, une langue parlée par d’autres avant elle et à laquelle elle veut joindre sa voix. Elle pourrait y glisser aussi du Duras, des phrases glacées sur des femmes blessées, emportées, d’autres lieux de tragédie, Hiroshima ou Calcutta, mais elle ne va pas jusque-là. Duras est une femme du XXe siècle, constante, cohérente, une sœur d’évidence. Duras ne l’aidera en rien.

oooCe n’est pas une ardeur dans mes veines cachée : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée. Des jours et des jours, elle tourne avec ces deux vers comme l’aigle au-dessus du champ. La proie finit par se confondre avec les deux vers, avec la possibilité même de les avoir conçus. Elle veut comprendre d’où viennent cette rage, ce désir brut. On lui répond des Grecs, des Latins, de l’époque, tout le monde écrivait comme ça. Elle dit, non, pas uniquement. p.16

Nathalie Azoulai
Titus n’aimait pas Bérénice
P.O.L an 2015

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