entre et avec

2014-07-28 17.49.31
Il ne suffit pas de dire que « la rose croît sans raison ». Car si la rose était seule, sa croissance sans raison enfermerait en soi, à soi, toute la raison du monde. Mais la rose croît sans raison parce qu’elle croît avec le réséda, l’églantine et le chardon – le cristal et l’hippocampe, l’homme et ses inventions. Et le tout de l’étant, la nature de l’histoire, ne fait pas un ensemble dont la totalité serait ou ne serait pas sans raison. Le tout de l’étant est sa propre raison, il n’en a aucune autre, ce qui ne veut pas dire qu’il est lui-même principe et fin, puisqu’il n’est pas lui-même. Il est sa propre disposition en pluralité de singularités. Cet être s’ex-pose donc comme l’entre et comme l’avec des singuliers. Être, entre et avec disent la même chose : ils disent précisément ce qui ne peut qu’être dit (ce qu’on nommerait, ailleurs, « l’indicible »), ce qui ne peut pas être présenté comme un étant parmi les autres, puisque c’est le « parmi » de tous les étants (parmi : dedans, au milieu de, avec) qui sont tous et chaque fois les uns parmi les autres. Être ne dit rien d’autre, et par conséquent, si le dire dit toujours l’être d’une manière ou d’une autre, en retour l’être n’est exposé que dans l’incorporel du dire. p.109-110
Être singulier pluriel
Jean-Luc Nancy
Galilée an 1996-2013

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