Il s’expose

entre-piece
« Être-le-là » (Dasein), c’est donc être selon cette valeur verbale transitive de la dis-position : être-le-là, c’est dis-poser l’être lui-même comme écartement/proximité, c’est « faire » ou « laisser » être la venue de tout comme telle. Dasein (l’homme comme exposant de l’être) expose ainsi l’être en tant qu’être.
Quelqu’un entre dans une pièce ; avant d’être le sujet éventuel d’une représentation de cette pièce, il se dispose lui-même en elle et à elle, et selon qu’il la traverse, l’habite, la visite, etc., il en expose la disposition – la corrélation, la combinaison, le contact, la distance, le rapport de tout ce qui est (dans) la pièce, donc de la pièce elle-même. Il expose la simultanéité, autant qu’il expose et qu’il y est exposé. Il s’expose : c’est ainsi qu’il est « soi », c’est-à-dire qu’il l’est – ou qu’il le devient – autant de fois et à chaque fois qu’il entre dans la disposition. Ce « à chaque fois » n’est pas le renouvellement des expériences ou des occurrences d’un même sujet : pour autant que « je » suis « le même », encore faut-il toujours une autre fois où je me dispose selon cette « mêmeté ». Ce qui implique à son tour qu’une autre fois en général, c’est-à-dire que d’autres fois, indéfiniment, soient non seulement possibles, mais réelles : le « chaque » de « chaque fois » – l’avoir-lieu du et comme – s’implique, non pas d’abord comme succession de l’identique, mais comme simultanéité du différent. La pièce est en même temps la pièce où je suis, même seul, auprès de – à côté de, le long de – toutes ses autres dispositions (occupations, traversées, etc.). On n’est pas dans la disposition sans être avec la disposition-autre, qui est l’essence même de la dis-position. Les « fois » sont discontinues, mais dans cette discontinuité, elles sont leur être-avec-les-unes-les-autres. « A chaque fois » est la structure singulière-plurielle de la disposition. « A chaque fois mien » signifie donc tout d’abord « à chaque fois sien », c’est-à-dire « à chaque fois avec » : la « mienneté » n’est elle-même qu’une possibilité occurrente dans la réalité con-currente de l’être-à-chaque-fois-avec. p.121
Être singulier pluriel
Jean-Luc Nancy
Galilée an 1996-2013

Ce contenu a été publié dans Général, Lecture. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.