Fée ou sirène du Gave

Le vieux Nicolau ne la sent pas venue du tout, la dernière heure.

Il est vaillant comme il y a soixante ans au moins. L’âge n’a rien à voir à l’affaire. Il est dans le dos de la fillette nue qui est debout dans l’eau et a des yeux devant, autour, derrière elle.

Il doute un peu puis plus.

Ici est une fille, plongée dans l’eau, si bien que ses jambes, on se demande si elles ne finissent pas en queue de sirène : il doute de nouveau.

La cachette, c’est raté. La jeune fille (fée ou sirène du Gave) aperçoit le vieux bonhomme camouflé sous les feuilles larges des platanes en surface de l’eau, elle l’aperçoit et rit.

Pauvre meunier, elle dit dans son langage muet de grillons et grenouilles. Pauvre meunier qui en a fait, des malpropreries, en a pensé plus encore. Elle rit de lui, le rire est clair et a des mains, des mains qui appellent.

Le vieil homme aux branchies retient son souffle et son courage. Il n’en mène pas large. Il prend un peu d’enfance ici et là.

[…]

La jeune fille nue touche l’eau du bout de ses doigts. Il a peur qu’elle disparaisse, c’est lui qui disparaît. C’est fait. C’est pas grave. Disparaître, c’est pas grave. p.56

Aquero
Marie Cosnay
Editions de l’Ogre, an 2017

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