Une attente me pénètre de tendresse ou du moins de joie… comme de vive voix

Une attente me pénètre de tendresse ou du moins de joie, Mademoiselle, l’attente de pouvoir vous faire la faveur de ces quelques remarques comme d’une histoire passionnante, une sorte de conte, peut-être. La grâce est une chose vraiment ancienne, historiquement parlant, et refleurit pourtant toujours parmi les hommes, dans une perpétuelle jeunesse. Cette façon de dire ne pourrait-elle pas, quasiment, me donner lieu de croire que je suis instituteur ? Mon écrivain préféré avoué est Stendhal, que vous avez lu vous aussi… p.244
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Les auteurs se lisent les uns les autres avec beaucoup d’ardeur, ce qui peut donner lieu à des transferts fabuleux. Stendhal aspirait à écrire quelque chose de plus moderne que Pouchkine, tandis que Flaubert, à son tour, semble avoir eu l’intention d’être plus moderne que Stendhal, tant il est vrai que les descendants s’efforcent invariablement, en s’appuyant sur leurs ancêtres, de surpasser ceux dont néanmoins ils sont en quelque sorte issus, et qui eux-mêmes avaient fait tout leur possible. p.246
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J’ai eu sous les yeux un compte rendu dans lequel on m’appelait un vagabond, mais j’ai déjà vécu dans des pièces qui étaient des vraies bonbonnières, et certes, de loin en loin, j’aimais pratiquer la promenade en guise de remède contre l’emprise de la mélancolie, et avec cela, je pense vous avoir raconté un certain nombre de choses qui ne sauraient avoir de conséquences pénibles ni pour vous, ni pour moi, et que j’ai essayé de vous présenter comme de vive voix. p.247

Robert Walser
Le Territoire du crayon
Microgrammes
Editions Zoé, 2013

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