Bonheur

2013-12-21 15.04.14
« Comment on écrit « bonheur » déjà ? »
« Il n’y a pas de e ? »
Elle a raison, le bonheur ça se conjugue aussi au féminin.
« Surtout on ne lui parle pas de Noël, c’est pas drôle d’être née un 26 décembre. »
On est trop fortes,
Même sur le parking de Leclerc,
même après le cauchemar des courses,
tout ça nous amuse,
on est contentes d’écrire cette carte,
d’y avoir pensé.
On est bien, là au bord de la route, avec notre caddie et en plus il ne pleut pas,
« on a de la chance ».
Elle est contente aussi d’essayer son nouveau stylo à quatre couleurs,
« rose » me dit-elle en se moquant de moi,
« la couleur du bonheur, avec un h et sans e ».

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Passage par des éléments imprévus

enquete copie

C’est donc bien, comme elle en avait d’abord eu l’intuition, le mouvement d’association et le passage par des éléments imprévus, qui pourraient devenir son outil privilégié, son compteur Geiger dont les clic-clic de plus en plus rapides signaleraient les nombreuses surprises qu’elle ressent dans la découverte des ingrédients nécessaires à l’extension d’une pratique quelconque.
La notion de réseau, si je la précise maintenant un peu, désigne une série d’associations révélée grâce à une épreuve – celle des surprises de l’enquête ethnographique – qui permet de comprendre par quelles séries de petites discontinuités il convient de passer pour obtenir une certaine continuité d’action. Ce principe de libre ASSOCIATION – ou, pour être plus précis, ce principe d’IRRÉDUCTION – qui se trouve au cœur de la théorie de l’acteur-réseau a démontré sa fécondité en autorisant nombre d’observateurs à se donner dans leurs études autant de liberté de mouvement que leurs informateurs. C’est de lui dont l’observatrice compte se servir pour commencer. p.45

C’est cette trajectoire, faite de sauts discontinus, qui permet à un chercheur de décider que, par exemple, entre une culture de levure, une photo, un tableau de chiffres, un diagramme, une équation, une légende, un titre, un résumé, un paragraphe et un article, quelque chose s’est maintenu, malgré les transformations successives, quelque chose qui permet d’accéder à un phénomène éloigné comme si l’on avait dressé, entre l’auteur et ce phénomène, une sorte de pont que d’autres peuvent franchir à leur tour. Ce pont, c’est ce que les chercheurs appellent « fournir la preuve de l’existence d’un phénomène ». p.51

Tracer un réseau, c’est donc toujours reconstituer par une ÉPREUVE (l’enquête en est une, mais l’innovation en est une autre, la crise aussi) les antécédents et les conséquents, ou, pour le dire encore sous une autre forme, les précurseurs et les héritiers, les tenants et les aboutissants d’un être. Ou pour parler plus philosophiquement, les autres par lesquels on doit passer pour devenir ou demeurer le même – ce qui suppose, on le verra plus tard, que l’on ne puisse simplement « rester le même » en quelque sorte « sans rien faire ». Pour demeurer, il convient de passer – en tous cas de « passer par » – ce qu’on appelle une TRADUCTION. p.53

Reste une dernière difficulté pour qu’elle puisse vraiment se lancer : comment expliquer qu’il soit si difficile de spécifier les valeurs auxquelles ses informateurs paraissent fortement attachés ? Pourquoi les domaines offrent-ils des indication aussi pauvres sur la nature de ce qu’ils sont censés contenir (ils débordent de toutes parts sur les autres et ne définissent même pas ce qu’ils disent chérir et protéger ?) Bref, pourquoi la théorie est-elle, chez les Modernes, aussi éloignée de la pratique (rappelons que l’enquête n’a rien trouvé en « théorie du droit » ou en « théorie de la science » qui l’aide à saisir ces trajectoires si particulières qu’il lui a fallu des années de terrain pour expliciter) ? Elle ne peut ignorer ce nouveau problème car elle ne saurait recourir à l’idée trop simpliste que la théorie n’est que le voile pudiquement jeté sur les pratiques. Il faut que la théorie ait un sens et que le décalage avec la pratique joue un rôle important. Mais lequel ? p.54

Il est tout à fait possible, se dit notre anthropologue qu’il s’agisse là d’un cas unique de rapport entre valeur et institution. Il n’y aurait que dans le religieux – et même que dans l’histoire des Églises chrétiennes – qu’on trouverait une telle suite de trahisons, d’inventions, de réformes, de reprises, d’élaborations, toutes concentrées et jugées par la question principale de savoir si l’on est fidèle ou non à un message initial. Mais sa petite idée (l’origine de son eurêka), c’est qu’il en est peut-être ainsi pour toutes les institutions des Modernes : à chaque fois, il faut imaginer un rapport original et spécifique entre l’histoire de leurs valeurs et les institutions auxquelles elles donnent sens et qui, en retour, les recueillent, les abritent – et souvent, les trahissent. p.56

Ce que découvre l’anthropologue avec quelque angoisse, c’est que le déploiement de l’une des valeurs par une institution robuste va modifier la compréhension et l’expression de toutes les autres. Une toute petite erreur sur la définition du religieux, et voilà que les sciences vont devenir incompréhensibles – ou l’inverse ; un minuscule décalage dans ce qu’on peut attendre du droit, et c’est la religion qui va se trouve écrasée ; et ainsi de suite. L’avantage toutefois de cette façon de voir, c’est que l’enquêtrice va pouvoir éviter de traiter le décalage entre théorie et pratique comme une simple « fausse conscience », comme un simple voile qui dissimulerait la réalité et que son enquête devrait se contenter de lever. Pour chaque mode et pour chaque époque et en rapport avec chaque autre valeur et chaque autre institution, il va exister une façon particulière d’établir le rapport entre « théorie » et « pratique ». p.57

Autrement dit, c’est une anthropologue qui ne craint pas de courir les risques de la diplomatie. Elle sait combien il est difficile d’apprendre à bien parler à quelqu’un de quelque chose qui lui importe vraiment. p.58

Bruno Latour
Enquête sur les modes d’existences
une anthropologie des Modernes
La Découverte an 2012

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Seuls au monde

porteparadis
Qu’est-ce qu’elle lui dit au creux de l’oreille ?
Elle est encore dans son personnage ?
Le dialogue était prévu ?
Il a bien fait de ne pas rapprocher la caméra.
Ils sont bien, seuls au fond du plan,
dans le soleil,
dans leur histoire rien qu’à eux,
cela ne nous regarde pas.

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En Mouvement

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Réponse


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Marcel

louisa
Le jeudi soir 21 mai 1903
Cher Antoine
Voudrais-tu me rendre discrètement, je veux dire sans en parler à d’autres, le service suivant. Téléphone de ma part à Hermant, demande-lui si en sa qualité de critique dramatique du Gil Blas il va ce soir aux débuts d’Otero aux Mathurins et en rend compte. Si oui il me ferait très grand plaisir en disant que Mlle de Mornant qui joue dans une pièce du même spectacle est charmante ou très belle ou ce qu’il voudra. Il peut dire s’il veut « Un de mes amis me demande de dire que Mlle… et je le fais bien volontiers. » …
Au revoir cher Antoine

Marcel PROUST.

vers mars 1905
Ma petite Louisa

Je serai ravi de vous voir [.] Mais à minuit 1/4 seulement parce qu’ayant été très souffrant je me lève seulement, je vais dîner avec Maman et nous n’aurons pas fini avant minuit.
Tendrement à vous

Marcel.

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De cœur à toi

vers octobre 1899
Ma chère petite Maman

Mille tendres baisers
Marcel

le lundi soir 22 juin 1908
Mon cher Louis, [Louis D’Albufera]

De cœur à toi
Marcel.

Peu avant le 2 juillet 1913
Mon cher Louis, [ Louis de Robert]

De cœur à vous.
Marcel PROUST.

Fin février 1915
Mon cher petit [Lucien Daudet]

Je vous embrasse de tout mon coeur
Votre
Marcel

Peu après le samedi 10 ? juin 1916
Mon cher petit [Lucien Daudet]

Mille tendresses, mon cher petit.
Marcel.

Entre le 4 et le 8 novembre 1916
Cher ami [Gaston Gallimard]

Tout à vous
Marcel PROUST.

Le vendredi soir 16 mars 1917
Cher ami, [Paul Morand]

A vous
Marcel PROUST.

Peu après le 21 mai 1917
Cher Jean [Jean Cocteau]

Tendrement à vous
Marcel

Le 22 ou le 23 mars 1921
Mon cher Gaston [Gaston Gallimard]

Tout à vous
Marcel PROUST.

Seconde quinzaine de mars 1921
Cher ami (Claude Mauriac]

A vous de tout cœur
Marcel PROUST.

Le 29 ou le 30 septembre 1922
Mon cher Gaston [Gaston Gallimard]

Bien affectueusement à vous
Marcel PROUST.

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Saul Leiter

Lanesville, 1958

saul-leiter-1947
Bonne fête.

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Mise en scène

Voix du lecteur
Polyphonie
Dialogue
Chercher et inventer le sens
Comme dans le monde réel, deviner les états d’esprits, les émotions et les intentions des personnages, leur vision du monde et la nature de leur relation aux autres.
Fiction, véritable expérience sociale
RB / La littérature met en scène le langage
Les forces de liberté de la littérature dépendent du déplacement que l’écrivain exerce sur la langue
Défamiliariser
Révéler l’étrangeté de ce que nous croyons jusque là connaître
Est-ce que la dimension artistique d’un récit pourrait développer notre capacité à nous mettre à la place des autres ?

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Responsabilité imaginaire

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Accumulation lumineuse pour de l’aléatoire

 2013-11-20 08.27.27
Je ne sais si c’est parce que je suis chez I. mais, dès le réveil, même à l’envers, dans cette lumière du jour, une forte impression, sensation de grains visibles qui grouillent, m’envahit.

Une expérience cinéma.

« Lisse et sans matière, ça dit bien vers où va l’image aujourd’hui. On s’éloigne du grain et, forcément, on perd quelque chose, pas seulement physiquement, quelque chose d’une culture ancestrale de l’image. Qu’est-ce qu’on perd, en perdant le grain de l’image ? On perd l’aléatoire. Le grain, c’est de l’aléatoire. L’œil et le cerveau ont besoin de stochastique, de la non-permanence de l’image, de son mouvement. L’image fixe, c’est la mort… C’est l’aléatoire du grain qui crée la profondeur. » Caroline Champetier

proc1

proc2

« Benjamin précise qu’en raison de leur imperfection technique, les premières photos conservaient l’aura des choses et des personnes. Le paragraphe mérite d’être cité. Il fait suite à la description d’une photo de Kafka enfant, en laquelle le philosophe voit une allégorie de la destruction de l’aura.
« Dans son insondable tristesse, cette image fait penser aux premières photographies, où les gens ne jetaient pas encore sur le monde, comme ici le jeune Kafka, un regard perdu et délaissé. Il y avait alors autour d’eux une aura, un médium qui, traversé par leur regard, lui donnait plénitude et assurance. Là, encore, l’équivalent technique de ce phénomène est évident : c’est le continuum absolu de la lumière la plus claire à l’ombre la plus obscure. »
La trame, le tissu, c’est une modulation continue de la lumière dans l’image, qui fait exister l’air dans lequel baignent les choses, donne consistance et unité à l’espace et au temps. Dans une image sans aura, êtres et choses apparaissent à la fois proches et seuls, isolés les uns des autres, privés de la trame continue de la lumière qui instituait leur « manière légère d’être ensemble« . La destruction de l’aura condamne êtres et choses à l’aliénation…
Dans le plus désenchanté des films en 35mm, il restera toujours un peu d’aura autour des choses, le sentiment d’un monde commun. » Cyril Neyrat

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Rendez-vous au Danton

2013-11-19 19.00.56
Suis au chaud au Danton
J’aime ce café
Surtout l’hiver
Surtout la nuit
Sa lumière
Ses couleurs (assorties à mon carnet du moment…)
Son brouhaha qui reste un fond
L’activité du boulevard devant soi
Ses garçons de café
2013-11-19 19.11.03
Un figurant entre
Sa pile de Monde, sa voix grave et chantante
Je pense à A bout de souffle
« Ils ont arrêté le tireur, il était caché à l’Elysée ! »
Je le regarde interloquée
Il me fait un clin d’œil
Pas pu le prendre en image
mais je me souviens bien de son sourire.

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Vitesse au ralenti

2013-11-19 11.40.51
Au-dessus des nuages
le soleil est là
Je suis du bon côté
Il me chauffe l’épaule.

Paradoxe de la vitesse
Le lieu où l’expérience de la vitesse est la plus rapide et en même temps le sentiment jamais aussi fort d’avancer autant au ralenti.

Avec l’avion, quand je vais à Paris, je me sens dans une autre histoire.
A la fois ce paradoxe, encore, que pour moi l’avion c’est partir loin, ailleurs, et sur les courts trajets, « courriers » comme disent les « navigants » (pourquoi court-courrier ne se dit pas ?), malgré l’atterrissage, son choc, je suis encore « chez moi », n’ai pas bougé !

Comme si le trajet en avion était une scène à part, une « absence » de trajet, une ellipse, une scène qui n’aurait pas eu lieu, je ne suis pas passée d’un territoire à l’autre, donc du coup mes scènes à Paris sont d’un autre ordre, assez floues et flottantes, comme fictives.

2013-11-20 12.01.45

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Autant de langage qu’il y a de désir

Déplacement
Littérature
Plusieurs langues
Liberté
Dante
Désir

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Tricher la langue

Pouvoir
Deux réalités
Affirme
Mot
Signe
Stéréotype
Ramasser ce qui traîne
Maître/esclave
Servitude des signes
Liberté hors du langage
Le graphe complexe des traces d’une pratique

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