Avoir été toujours

alicegp
Et d’autant plus poignant qu’Alice semblait, contre toute vraisemblance, avoir été toujours ce qu’elle était soudain, dans une paix insolite chez une si jeune personne, et qui en imposait. C’est encore par cette paix que l’on accédait le mieux à sa nouvelle incarnation. Une beauté mate, antireflet, que l’on pouvait traverser sans la voir. Une paix tout sauf terne, pourtant. Paix d’une force inconnue, beauté d’une paix ardente. Je vis bien que la plupart des amis de passage ne remarquaient rien, repartaient en songeant à la rigueur qu’ils avaient croisé une image de fille sage pour son âge. Ceux qui avaient une seconde entrevu sa beauté, ceux-là en revanche ne voyaient plus qu’elle. Et de se demander quoi au juste, où dans son visage ou son corps au juste elle résidait. Cherchez donc : pour l’avoir beaucoup contemplée je puis affirmer que chez elle rien n’était « beau ». Aucun trait remarquable,
yeux : pas très grands pas bleus
bouche : pas très charnue
nez : pas mutin en trompette ni altier aquilin
pommettes : pas très saillantes
cheveux : pas très brillants
seins : oui non
épaules : pas très pointues
mains : pas très délicates
taille : pas très fine
hanches : pas très larges
jambes : pas très longues
pieds : (pas souvenir)
S’il n’y avait eu que ça, il serait plus juste de dire : Pas remarquable selon les critères de la femme canon ; mais il y avait plus. p. 406-407
Le cinéma des familles
Pierre Alferi
P.O.L
an 1999

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