Cela devient « naturel » mais cela fait « destin »

2013-10-20 14.59.25

Du bateau, au cours d’eau, l’instrument est devenu élément ; au lieu d’avoir encore à manier, à piloter, on ne fait plus qu’évoluer. A ce stade ultime, quand la façon de procéder est complètement intégrée, « sans qu’on se rende compte comment c’est ainsi, c’est ainsi ». Cela vient nécessairement ainsi, non seulement cela devient « naturel » mais cela fait « destin », est-il dit. – Comme ce nageur dans l’eau, pourrions-nous suivre aussi le danseur sur la terre : on le voit enchaîner ses mouvements, selon une liaison opérant comme à son insu, tant elle est forte de sa nécessité, et sans qu’il n’ait plus à s’interroger sur ce qu’il fait : il exécute la danse à la perfection précisément parce que tous ses gestes s’imposent à lui comme du « destin », ainsi que le dit si pertinemment le Zhuangzi, et qu’il s’est rendu de part en part perméable – ne se discernant plus la moindre séparation ou sécession, et d’abord du corps et de l’esprit – à la pure logique interne à cette processivité qui le conduit. p.100
François Jullien
Nourrir sa vie
à l’écart du bonheur
Seuil, an 2005

Ce contenu a été publié dans Danse, Fragment, Lecture. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.