Logos

En quoi se vérifie, s’il le fallait encore, que l’intime n’est pas une chose grecque et même qu’il est le plus grand défi porté à l’empire du logos : parce qu’il ne se laisse pas aller à la facilité de dire et même de « tout dire », de déterminer et de croire maîtriser, mais infiltre, noue tacitement de l’assentiment, le répand et le fait cheminer.
De là cette autre conversation qui, traversant la parole ordinaire, est à la fois la plus intérieure et faisant signe vers un Dehors de ce monde, ce qui, sait-on, est le propre de l’intime. Elle provient d’infiniment plus loin en même temps qu’elle parvient tellement plus près. p.179


Champ

Mais la parole intime tout aussi bien est maniaquement répétitive : non par habitude (sclérose), mais en fonction de quelque chose qui a à voir avec le rituel. p.231


Contre-champ

En l’appelant « babil », Rousseau a caractérisé de cette parole de l’intime à la fois deux choses. D’une part, qu’elle ne dit que du futile, s’occupant de riens, mais d’autre part que ce futile, s’il n’est pas significatif, n’en est pas moins expressif : expressif d’une vitalité (comme l’est le babil des enfants), celle d’un intime réclamant ses droits et voulant faire entendre son exigence. Puisque ce qui importe est de faire passer, de l’un à l’autre, entre eux et déployant cet entre, la qualité d’un échange sans plus que celui-ci n’ait d’objet, cette parole tient sa légitimité, non pas de ce qu’elle livre un message, mais de ce qu’elle assure (rassure) de l’ « auprès » : de ce qu’elle communique, non pas une information mais de l’entente. p 233-234

François Jullien
De l’intime, loin du bruyant Amour

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